Le 16 octobre 1766, quelques familles acadiennes venues de la Nouvelle-Angleterre, où elles étaient en exil depuis 11 ans, s'établissent à l'Assomption. Le curé met à leur disposition une grange spacieuse. Formant un total d'une cinquantaine de familles, un convoi se forme pour être conduit vers les «belles plaines couvertes d'érables». Les colons appellent ce nouveau coin de pays la Nouvelle Acadie.
Transplantés sur cette terre de prédilection par un prêtre dévoué, M. Jacques Degeay, les colons sensibles et reconnaissants veulent immortaliser sa mémoire en donnant à leur nouvelle paroisse le nom de Saint-Jacques. La superficie du territoire s'étend maintenant à 16,045 arpents et déjà quelques familles se dirigent du côté du Nord-Ouest, s'arrêtant aux bords d'une rivière communément désignée sous le nom de Lac Ouareau... Et sur ces bords, par la cognée de nos braves se formera une autre de nos bonnes paroisses canadiennes que l'on placera sous la vocable de Saint Alphonse de Liguori.*
*Alphonse de Liguori: Docteur de l'Église né en 1696, mort en 1787. Il fonda l'Ordre des Rédemptoristes et mena une vie exemplaire. Canonisé en 1830 par le pape Grégoire XVI, il fut choisi par Mgr Bourget comme patron du nouveau village qui se détachait de Saint-Jacques.
Propriétaires de vastes domaines, les Sulpiciens devaient concéder des fiefs à tous ceux qui voulaient défricher le sol. Construisant un moulin pour les besoins des colons, les seigneurs prélevaient une rente de dix « deniers tournois » (environ un sou) et d'un demi minot de blé pour chaque vingt arpents de terre concédés. En retour, les colons ou «censitaires» s'engageaient à coloniser le sol, à le cultiver et à faire moudre leurs grains au moulin seigneurial.
Au premier coup d'œil, le passant aperçoit une reproduction d'un ancien bateau à voile. Paré de bleu, de blanc, de rouge et d'une une étoile dorée - bateau aux couleurs papales - dans la partie bleue, il rappelle ces embarcations qui, le 15 août, jour de Fête nationale des Acadiens, égaient les municipalités acadiennes du Nouveau-Brunswick ainsi que de la Nouvelle-Écosse. En approchant l'œuvre, un second regard révèle une ancre gigantesque. En levant les yeux, une croix apparaît puis en les baissant, un socle en forme d'étoile à cinq pointes. Au pied de l'ancre, un court poème rappelle le lieu d'origine, la déportation ainsi que l'enracinement. Il est à noter que le terrain dudit Parc acadien, en forme de pointe, comme celles de l'étoile de ciment, reçoit le lever du soleil et le mouvement de l'astre comme l'inspiration encourageante d'une espérance possible.
Les religieuses arrivent à Saint-Liguori en 1869. Elles sont quatre de la communauté des religieuses de Sainte-Croix. Elles emménagent bientôt à la «maison rouge», le premier couvent. On l'appelait ainsi à cause de sa couleur extérieure. Le 23 mars 1869, le couvent ouvre ses portes à douze pensionnaires et trente-six externes. Le groupe de jeunes filles le fréquentant se développait prodigieusement et les vocations religieuses se multipliaient. Le besoin d'une maison plus vaste devenait plus pressant.
Les travaux débutent en 1873. Toute la pierre a été extraite de la rivière, près de la grande île, avec des chevaux, des voitures et des outils solides. Les travaux ont duré dix-huit mois. En novembre 1874, le couvent fut solennellement dédié à Saint-Joseph. Les religieuses et les élèves l'envahissent avant même qu'il ne soit béni.
En 1897, on installe un chauffage à eau chaude en même temps que la construction d'une cuisine et d'une dépendance.
En 1901, les démarches pour un agrandissement sont acceptées. Bientôt, on voit les fondations d'un édifice de 70 pieds par 25 pieds de deux étages de 11 pieds chacun.
En juillet 1906, Les Lord de Montcalm installaient un moulin à vent à l'arrière du couvent pour remplacer le pompage de l'eau nécessaire. Le lendemain, le vent soufflait et tous les réservoirs se sont remplis... on criait presque au miracle!
Un feu s'est déclaré en février 1917 en face du couvent alors plein de pensionnaires endormies. C'est le tumulte, mais il n'y a aucune victime.
Il ne fut pas question de bâtir un presbytère avant 1858. Les prêtres résidaient dans les maisons disponibles. Le premier presbytère fut achevé en 1860 par M. Narcisse Goulet non sans avoir suscité de nombreux problèmes financiers. Une cuisine extérieure était prévue, mais elle ne fut jamais réalisée. M. Barrette s'est occupé d'améliorer le terrain et il planta de magnifiques pommiers qui embaumaient l'air tous les printemps.
En 1901, la bâtisse demande une restauration très importante. Mgr Bruchési recommande la construction d'un nouveau presbytère. Le contrat fut octroyé à M. Dostaler pour le montant de 6,780 dollars. La bâtisse aurait deux étages, serait lambrissée en briques et chauffée par un système à l'eau chaude.
Depuis toujours, il y a eu des entreprises familiales à Saint-Liguori. Au village, la boulangerie Marin-Mayer répandait la bonne odeur de cuisson et nous régalait avec ses « crème puffs » et autres bons desserts. Les personnes les plus âgées se rappellent du magasin général, des cordonniers, de la meunerie, des ferblantiers.
Il y avait une pompe à essence devant le restaurant du village. Le boucher et le laitier transportaient et vendaient leur marchandise à travers la municipalité. Mme Parent avait un commerce de linge en coupons sur la rue Principale. Il y eu plusieurs autres commerces dans le village, ça bougeait à Saint-Liguori.
Au début, il n'y a qu'une seule école, celle du village, établie en 1840 par M. le curé Paré. Dominant les rapides et le pont, l'école offrait aux enfants un site des plus charmants. Elle reçut une centaine de garçons et filles réunis, jusqu'à l'arrivée de quatre religieuses en 1869. Celles-ci s'installèrent dans la maison actuelle de M. Daniel Péloquin, en face de du centre d'accueil. Dès lors, les filles allèrent au couvent et l'école ne reçut plus que les garçons jusqu'en septembre 1945 où les garçons de 1ère, 2e et 3e furent reçus au couvent.
La deuxième école fut fondée en 1854 à la suite de l'annexion d'une partie de Rawdon. Celle du rang double en 1853, l'école du rang d'En Bas (aujourd'hui rang de l'église) fut bâtie en 1858, le couvent en 1869, puis l'école du canton de Rawdon en 1906 et celle de la rivière Côté Nord en 1908.
Le couvent fermera ses portes en 1962, faute d'élèves. Les religieuses de Sainte-Croix y ont enseigné pendant plus de 90 ans.
C'est M. Armand Marchand qui sauvera la bâtisse en lui donnant une autre vocation que l'enseignement.
Vers 1960, le besoin d'une école primaire devenait criant. On a donc acheté un terrain de la fabrique et la firme L'Archevêque et Rivest a eu la responsabilité de la construction de l'école Saint-Joseph sous la présidence de M. Joseph Gagnon. L'École fut inaugurée en 1965. Au début des années 1970, il fut question de la fermer à cause du faible nombre d'élèves de chaque niveau. Un comité fut formé pour s'opposer à cette décision. Mme Monique Boucher et M. Gérard Grenier faisaient partie de ce comité. En 2001, nous avions sept groupes scolaires. L'école roule à pleine capacité.
Le premier moulin, appelé moulin banal, est élevé par les Sulpiciens en 1819. C'est un moulin de pierre solide d'une dimension respectable de cent pieds par soixante.
En 1833, le toit fut transformé par un cultivateur charpentier, M. José Ratelle. C'était le centre de toutes les activités. Souvent les meules tournaient le jour et la nuit et des colons devaient attendre au lendemain pour « avoir leur tour ».
Il fut l'objet de bien des transactions. Tour à tour propriété des Sulpiciens, de MM. Demers, Beauregard et Goulet, Gilmour & Anderson, il passa aux Richard, à Ernest Grubb puis fut ensuite de retour à la famille Richard.
Le feu y fit des ravages en 1928. Même en ruines, le moulin reste un témoin du labeur de nos pionniers...
De l'autre côté de la rivière, il y avait un autre moulin, propriété de MM Alexis Bourgeois et Antoine Leblanc. Il fut en opération de 1836 à 1861.
Un peu en arrière du moulin banal, il y avait le moulin à carder, destiné à l'industrie de la laine. Il fut construit par M. Henry Anderson. Il fonctionna pour le mieux jusqu'en 1871 alors qu'un désastreux incendie le réduisit en cendres.
Il ne faut pas oublier le moulin à scie que M. Jean-Baptiste Demers a fait construire pour lui-même. Vers 1850, il fut déménagé sur le canal entre le moulin banal et le moulin à cardes puis fixé de l'autre côté de la rivière sur l'emplacement de MM. Bourgeois et Leblanc.
Monsieur Joseph Bro l'acheta en 1867, suivi de M. Luc Arpin et Édouard Fisk de Joliette qui en transportèrent le mécanisme aux Dalles sur la rivière Ouareau.
Il y a eu aussi un moulin à scie à Montcalm, sur la rivière Rouge, construit par MM. Firmin Dugas, Isaac Dugas et Pierre Richard. Cinq ans plus tard, M. Firmin Dugas construisait son moulin à farine. Ces deux moulins offraient des services aux habitants du canton jusque vers 1889, date où ils furent délaissés. Ils furent vendus à des frères Lord, cousins des premiers propriétaires, qui ont rebâti les deux moulins au complet et ont creusé un canal sur une distance de sept arpents pour y conduire l'eau de la rivière Rouge. En 1902, les moulins étaient de nouveau en opération.
Vers 1850, il y avait cinq moulins à scie, trois moulins à farine et un moulin à cardes à Saint-Liguori. Impressionnant, n'est-ce pas? Il y avait beaucoup d'activités dans le secteur et on voulait se distinguer et s'identifier!
Le 8 février 1766, une poignée d'Acadiens réunis à Boston demandent d'être transportés au Canada. Quelques jours plus tard, le gouverneur du Massachusetts, Francis Bernard, autorisa que deux Acadiens soient engagés comme messagers pour la somme de vingt Livre sterling, afin d'aller porter la requête des Acadiens au gouverneur Murray, à Québec. Ce fut nul autre que les frères Étienne et Joseph Hébert qui furent choisis pour cette expédition. Ils partirent, avec la lettre du gouverneur Bernard (la requête des Acadiens), datée du 25 février 1766, en raquettes, et prirent divers sentiers pour se rendre de Boston à Albany, pour ensuite remonter la rivière Hudson gelée. Ils marchèrent sur le lac Champlain gelé en direction de la rivière Richelieu pour se rendre à Québec. Cette expédition était d'une distance d'environ 885 km et fut d'une durée d'environ deux mois.
Ensuite, le gouverneur Murray envoya une lettre au gouverneur Bernard, en date du 28 avril 1766. Joseph Hébert repartit seul, sans son frère, en direction de Boston. Il semble qu'il aurait embarqué à bord d'un bateau au port de Québec. Ce dernier aurait fait escale à Halifax, pour ensuite se rendre à Boston. Dans The Boston-Gazette and Country Journal daté du 26 mai 1766, on peut lire que le capitaine du sloop Swallow, Nathan Atwood venait tout juste d'arriver d'Halifax, plus précisément en date du 21 mai, avec les négociants M. James Stillson et M. Wales, ainsi que le marchand M. Cook. Joseph Hébert aurait donc vraisemblablement fait le voyage dans ce navire. C'est avec enthousiasme qu'il annonça la bonne nouvelle, c'est-à-dire que les Acadiens seront les bienvenus au Canada s'ils prêtent le serment d'allégeance absolue.
Quelques jours plus tard, soit le 2 juin, les Acadiens rédigèrent une liste afin de confirmer leur demande d'émigrer au Canada. Près d'un mois plus tard, le premier bateau, le Polly du capitaine Benjamin Torrey, quitta le port de Boston en direction de Québec. Quant à Étienne Hébert, il était resté à Québec pour préparer et organiser l'arrivée des Acadiens au port de Québec. Le premier bateau en provenance de Boston arriva le 31 août 1766.
Le 16 octobre 1766, dans une lettre à l'évêque de Québec, Mgr Briand, le père Degeay affirme avoir accueilli douze ou treize familles acadiennes, environ 80 personnes, qui arrivaient de Nouvelle-Angleterre. Ils étaient précisément 89 personnes. Puis, un autre contingent d'Acadiens arriva à L'Assomption en 1767. Voici un aperçu de ce que les Acadiens vécurent en cette année, selon le témoignage du père Jacques Degeay, que l'on retrouve dans sa lettre adressée à Mgr Briand, datée du 31 décembre 1767 :
J'ai reçu avec beaucoup de joye et plaisir toutes les familles acadiennes que vous m'avez adressées. La majeure partie fut cabanée tout autour du Portage, en attendant qu'ils (les Acadiens) puissent aller s'établir sur les terres qui leur ont été concédées; je voudrais pour le bien de leurs âmes, qu'ils y fussent déjà, et, je suis dans la disposition de tout sacrifier pour les y suivre. J'en ai aux environs de cinquante familles dont je suis fort content. Je n'ai rien négligé jusqu'à présent pour leur procurer les faveurs spirituelles qu'ils pourraient attendre de moy; j'ai fait faire ces jours derniers, la première communion à vingt-cinq; rien n'a été plus édifiant ni plus touchant.
La plupart de ces derniers faisaient partie des 240 passagers du brigantin Pitt qui avait quitté New London, Connecticut et qui arriva le 31 juillet 1767 au port de Québec. Cet extrait fut publié une première fois dans The Connecticut Gazette, le vendredi 18 septembre 1767, et une seconde fois dans The Connecticut Courant, le lundi 28 septembre 1767 :
NEW LONDON, 18 septembre
Mardi dernier est arrivé ici le capitaine Richard Leffingwells à bord du brigantin Pitt, après 37 jours de navigation en provenance de Québec...... Il y transporta d'ici [au Connecticut], en juin dernier, 240 Français neutres. Il les a tous débarqués en toute sécurité à Québec, à l'exception d'une femme qui était malade et entièrement impuissante avant qu'il lève l'ancre. - Ils ont été bien reçus: - Comme on le voit par la suite dans l'extrait d'une lettre de Peter Preshon [Pierre Préjean], leur prêtre [un laïc désigné pour célébrer les mariages] (qui a voyagé avec eux), adressée au propriétaire du brigantin, à Norwich, datée du 8 août 1767, Québec.
L'abbé Jacques Degeay sulpicien, curé de Saint-Pierre-du-Portage (L'Assomption), obtient pour les Acadiens des concessions dans le bas du Ruisseau-Vacher et du Ruisseau Saint-Georges, dans la Seigneurie de Saint-Sulpice. C'est le premier fleuron acadien à s'établir dans la région.
La forêt très diversifiée offre du « bois franc » qu'on équarrit à la hache pour en faire des charpentes, des tables et des chaises. Elle offre aussi des « bois mous » : hêtre, peuplier, pin blanc qui deviendront, armoires, encoignures et sabot. On y trouve aussi des sapins et des cèdres qui finiront en bardeaux pour couvrir les chaumières.
Pendant que les hommes abattent la forêt, les femmes et les enfants remuent la terre pour en tirer les légumes qui garniront la table et combleront les caveaux pour mieux subsister au long hiver.
C'est en 1772 que l'on commence à nommer « Nouvelle Acadie » le territoire en voie de défrichement qui faisait partie de Saint-Pierre-du-Portage. Aujourd'hui, ce vaste territoire porte les noms de Saint-Jacques de l'Achigan, de Sainte-Marie-Salomé, de Saint-Alexis et de Saint-Liguori.
Ces municipalités ont conservé un sentiment inébranlable d'appartenance à l'Acadie de leurs ancêtres.
La Nouvelle-Acadie est plus vivante que jamais!
Source : André-Carl Vachon, Les Acadiens déportés qui acceptèrent l'offre de Murray, Tracadie-Sheila (Nouveau-Brunswick) : La Grande Marée, 2016, 320 p.
Une première requête est adressée à Mgr Bourget le 11 février 1848 pour ériger une église sur le territoire actuel de Saint-Liguori. Signée par soixante-seize tenanciers, la requête souligne le fait que sept miles séparent les colons du Lac Ouareau du centre de Saint-Jacques. Au printemps et à l'automne, les chemins sont impraticables. On ne peut envoyer les enfants à l'instruction religieuse et c'est presque impossible d'y transporter les nouveaux nés pour le baptême, les défunts pour la sépulture et d'y accomplir ses devoirs religieux.
On demande donc de former une paroisse indépendante.
Le 29 avril 1852, cent vingt-quatre habitants apposent leur signature au bas d'une dernière requête qui obtiendra gain de cause... tout de suite après Saint-Alexis. Il est reconnu que le détachement de ces deux paroisses a fortement ébranlé la vigueur du bon curé Paré de Saint-Jacques.
La croix préparée par les fidèles est apportée par M. Gilbert Brisson et plantée le 29 juin 1852 par le chanoine Pinsonneault à l'endroit où sera fixé irrévocablement le site de la nouvelle église.
Là, comme ailleurs, les idées seront différentes, quelques-uns veulent l'église sur la rive nord de la rivière, d'autres au bas du « Lac Ouareau » sur la ferme qu'occupent Annie Perreault et Philippe Desjardins.
Une fois le projet d'église en marche, chacun coopère pour la bâtir. En 1852, la petite église de bois est prête à servir au culte et M. Joseph Perreault, vicaire de Saint-Jacques est le premier curé à résider à Saint-Liguori. La première année, il n'y a ni banc ni jubé, chaque paroissien doit se payer le luxe d'un siège portatif. L'église s'enrichit un peu grâce à la paroisse de Saint-Paul qui nous fait bénéficier de ses «mis de côté» par leurs propres rénovations: chaire, armoires et jubé.
Un des premiers soins du curé Perreault fut de procurer une cloche à la paroisse. Coulée à la manufacture de Troy, É.U., elle se balancera au clocher jusqu'en 1890.
Les paroissiens demandent une église de pierre dès 1880. On fait des paiements de répartition jusqu'en 1894 pour atteindre la somme de 21 000 dollars. La pierre sera extraite du lit de la rivière Ouareau. Vers la fin de 1890, l'église est terminée et l'ancien curé, M. Prosper Beaudry, préside la cérémonie de bénédiction. La petite cloche de l'ancienne chapelle est reportée au clocher neuf. On fait l'acquisition d'un carillon de trois cloches provenant des manufactures de Londres.